ALLOCUTION
DE MONSIEUR JACQUES CHIRAC
PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE
SUIVIE D'UN DEBAT AVEC LES ETUDIANTS DE L'UNIVERSITE TONGJI
SHANGHAI
LUNDI 11 OCTOBRE 2004
Monsieur le Ministre,
Monsieur le Président de l'université,
Mesdames et Messieurs les doyens et professeurs,
Mesdemoiselles, Mesdames et Messieurs les étudiants,
Permettez-moi de remercier Monsieur M. Wen Gang, Président de l'Université de Tongji, pour son accueil chaleureux, et pour ses paroles de bienvenue. Merci aussi aux enseignants, aux étudiantes et aux étudiants, dont le talent fait la fierté de cette grande Université de Tongji qui contribue beaucoup à l'amitié entre la Chine et la France.
S'exprimer devant l'une des plus prestigieuses universités de Chine est pour moi un honneur. En effet, peu de pays ont élevé depuis si longtemps et à de tels sommets le savoir et le gout des lettres et des sciences.
Dès les premiers récits des grands voyageurs, la richesse et la puissance de la civilisation chinoise ont exercé, bien au-delà du continent asiatique, une fascination que le temps n'a jamais démentie.
L'imagination ne pouvait qu'être frappée par la singularité des artistes et des artisans de Chine dont les oeuvres alliaient les innovations les plus audacieuses aux esthétiques les plus raffinées. Il y avait là bien plus que le mystère qui entoure les univers longtemps méconnus. Il y avait surtout l'étonnement et l'admiration qu'imposent les créations qui révèlent le génie d'un peuple et marquent de leur empreinte décisive l'histoire de l'humanité.
Il faut à cet égard rendre hommage à toutes celles et à tous ceux, artistes et savants, qui se sont attachés, au fil des siècles, à mieux faire connaitre ce patrimoine exceptionnel, contribuant ainsi à la connaissance et à l'indispensable dialogue entre les peuples.
Faut-il voir, comme le voudraient les annales traditionnelles, dans ce puissant mouvement de l'histoire de la Chine, un grand cycle qui se répète avec un temps de morcellement territorial, suivi d'une phase brève et austère de redressement national, débouchant sur une troisième période de longues années de progrès et de bien-être ?
S'il en est ainsi, on peut escompter, au seuil du IIIème millénaire, un nouvel apogée. Seule la Chine, avec près de dix millénaires d'histoire attestée par l'archéologie, est en mesure de confirmer cette hypothèse.
C'est vous, étudiantes et étudiants de Chine, sur qui repose l'avenir de votre grande nation et aussi, par là même, une part importante de l'avenir du monde. C'est vous qui apporterez cette réponse. Et je ne doute pas un seul instant de la réponse.
Depuis deux jours, je retrouve en effet un pays en pleine mutation. Je vois une Chine confiante dans son avenir et qui est plus que jamais un partenaire majeur pour la France. Je redécouvre Shanghai avec un plaisir particulier. Comment ne pas sentir le foisonnement, l'énergie, l'irrépressible volonté d'aller plus loin, plus haut, de cette métropole d'exception, qui s'apprête à accueillir l'Exposition Universelle de 2010 ?
A travers vous, je souhaite m'adresser à toute la jeunesse qui est la force et l'avenir de la Chine. Une jeunesse créative, enthousiaste, avide d'apprendre, et qui souhaite mettre son dynamisme au service de son pays. Une jeunesse généreuse, éprise de justice, qui souhaite que son talent contribue à l'émergence d'un monde plus fraternel, plus prospère et plus pacifique, l'un n'allant pas sans l'autre. Une jeunesse qui, comme partout, bouscule les conformismes, s'interroge sur la meilleure facon d'atteindre ses objectifs et souhaite s'épanouir librement.
A la jeunesse de Chine, je veux dire l'amitié de la France, sa volonté d'aborder les défis de ce nouveau siècle aux cotés des Chinois dans un esprit de partenariat, de confiance et d'amitié. Sa volonté de soutenir les aspirations de la Chine à plus d'universalité et de fraternité. Fraternité, c'est à cela que nous exhorte la Déclaration universelle des droits de l'Homme, fondement, depuis la Révolution francaise, de l'éthique de notre temps. En découlent, dans le respect de leur diversité, les droits et les devoirs des hommes, des sociétés et des Etats.
Fraternité, c'est à cela que concourt le dialogue entre la Chine et la France. A Paris, en janvier, et à nouveau hier à Pékin, nous avons marqué avec le Président HU Jintao notre volonté d'aller plus loin encore dans notre relation, de mettre notre partenariat au service d'un monde de justice et de paix ; d'un monde de croissance et de bien-être ; d'un monde de responsabilité collective ; d'un monde de partage des savoirs et de respect des cultures et des identités.
Nos pays partagent une même conviction et une même volonté. Le monde est multipolaire. De nouvelles puissances et de nouveaux acteurs s'imposent, en particulier en Asie où des nations entières se sont arrachées à la pauvreté pour accéder à davantage de bien-être. Des ensembles régionaux se constituent, tels l'ASEAN ou l'Union européenne. Nous allons vers un temps où l'influence politique, économique et culturelle est de plus en plus partagée, où les hommes revendiqueront plus de réciprocité, plus d'équilibre, plus de respect, plus de justice.
Face à cette évolution, la Chine et la France récusent la fatalité de l'affrontement ou du chaos qui résulterait du jeu sans controle des forces en mouvement. Elles sont engagées en faveur d'un multilatéralisme de l'action, reposant sur l'adhésion des peuples à la règle élaborée en commun, dans le respect de leur liberté et de leur identité. Nous voulons batir un ordre mondial de paix et de prospérité où, dans le cadre des Nations Unies, dont la France et la Chine sont membres fondateurs, les Etats acceptent librement de voir la force assujettie à la règle internationale.
Pour conforter l'adhésion des peuples à ce projet, il est temps que la composition du Conseil de sécurité reflète davantage la réalité du monde. Son élargissement à notre voisine et amie, l'Allemagne, mais aussi à d'autres grands partenaires du Nord et surtout du Sud s'impose. Comme s'impose également un role plus résolu de la communauté internationale dans la prévention des conflits et du maintien de la paix. C'est pourquoi la France soutient les efforts de la Chine pour un règlement pacifique de la question coréenne et encourage son implication accrue dans les opérations de l'ONU.
Nos pays contribuent aussi au nécessaire rééquilibrage du "grand triangle" de la croissance formé par l'Amérique, l'Europe et l'Asie, à travers leur implication dans ce dialogue si nécessaire entre l'Asie et l'Union européenne, dialogue qui s'est poursuivi avec succès, notamment sur l'impulsion de nos deux pays il y a quelques jours, à Hanoi.
,希拉克在同济大学的演讲(法汉)